La place des femmes dans l’histoire de l’Eglise Lorsque l’on parle des pouvoirs qui entravent le libre épanouissement des femmes, l’Eglise Catholique est la première accusée. Son soi-disant anti-féminisme a toujours été critiqué. Pourtant, rappelons l’affirmation suivante d’André Malraux J’entends dire que la religion catholique est misogyne, ce n’est pas sérieux ! Une religion qui agenouille les hommes devant une femme couronnée manifeste une misogynie suspecte. »[1]La femme a une place toute particulière dans la bible dès l’Ancien Testament les femmes ont un rôle déterminant dans l’histoire du peuple d’Israël on pense à Judith, Esther ou les femmes d’autres patriarches. Mais ces femmes ne font que précéder, celle qui sera la figure de la vocation féminine la Vierge Marie. C’est d’ailleurs pour cela que Saint Jean Paul II a daté son encyclique Mulieris Dignitatem au 15 aout 1988, au cours de l’année Christ a également réservé une place toute particulière aux femmes au cours de sa vie terrestre. Aucune femme ne reçut le sacerdoce, ni n’assista à la dernière Cène mais des grâces leurs ont été réservées. Marthe et Marie recevaient les confidences du Seigneur lors de ses arrêts à Béthanie. Marie Madeleine a reçu l’annonce de la Résurrection à l’époque où le témoignage des femmes était récusé comme celui des enfants, des esclaves et des infirmes. Elle a été proclamée Apôtre des apôtres » et ce sont des Saintes Femmes qui entouraient le Christ au pied de la croix. Dès les temps apostoliques, des groupes de femmes ou de veuves se sont créés dans l’Eglise pour annoncer l’Evangile. [2] Le rôle des femmes dans la conversion des peuples à l’Evangile est d’ailleurs un des plus beaux aspects de l’histoire du Christianisme. Nulle part ailleurs leur réelle puissance et leur apparente faiblesse n’éclatent dans un contraste plus touchant. La grâce toute particulière accordée à la Vierge Marie, Théotokos, c’est-à-dire mère de Dieu, révèle à quelle vocation Dieu appelle toute femme accueillir le Tout autre, Dieu ». Marie, Théotokos, est l’expression la plus accomplie de la dignité et de la vocation féminine. Marie en tant que femme et mère de Dieu, doit être la source essentielle de la réflexion sur la dignité et la vocation de la femme. [3] Elle indique la façon dont la femme doit concrétiser sa mission. Chaque femme est appelée à imiter Marie », qui est, par sa virginité, le pur archétype de la nature féminine »[4], en ce qu’elle est celle qui est le plus intimement unie au christ » en ce qu’elle est le cœur de l’Eglise dont le Christ est la Tête, et en ce qu’elle est celle qui a enfanté toute l’humanité en Christ »[5]. Chaque femme est, de ce fait, appelée, dans le plus sublime et dans le plus pur déploiement de son être, à incarner l’essence même de l’Eglise, à être son symbole ». [6]Dans son audience du 6 janvier 1995, Jean Paul II souligne certaines qualités de la Vierge Marie que la femme doit imiter. Parmi elles, il rappelle l’importance de la coopération de la femme à la venue du Christ, de conserver une l’attitude de service humble, de se rappeler la valeur de la maternité mais également de la virginité pour le Royaume et enfin, de rester engagé dans la charité. Ainsi, dès les premiers siècles de son histoire, l’Eglise manifeste à l’égard des femmes, un triple souci celui de sauvegarder leur dignité, de les faire accéder au savoir ainsi que de respecter le pouvoir qu’elles peuvent être amené à exercer,[7] afin d’exercer pleinement leur vocation féminine dans la création de la femme dans la GenèseTout comme l’homme, la femme a été créée à l’image et à la ressemblance de Dieu Gn 1,27. Cette affirmation doit être la base de la réflexion anthropologique sur l’homme et la femme et confirme le caractère sacré de la vie humaine. Dans le second récit de la création, la femme est créée à partir de la côte de l’homme. Appelée ainsi à l’existence, la femme est immédiatement reconnue par l’homme comme chair de ma chair et os de mes os » Gn 2, 23. C’est pour cela qu’elle est nommée dans le langage biblique, femme isha » parce qu’elle est tirée de l’homme ish- ».Le livre de la Genèse affirme que l’unité du couple passe avant la distinction entre l’homme et la femme Homme et Femme, il les créa » Gn 1,27. Ainsi, dans la création il n’y a pas l’homme d’une part et la femme d’autre part mais bien un couple indissociable qui constitue la base de l’unité originelle. La femme est créée à partir du côté d’Adam comme l’eau et le sang de la nouvelle Alliance ont jaillit de la côte du Christ, transpercée par la lance Jn 19, 34. L’apôtre Paul a souvent été qualifié de misogyne pourtant c’est lui qui a trouvé la plus belle formule que l’on puisse imaginer pour magnifier le rôle de la femme Elle est la gloire de l’Homme » 1 Co 11,7. Dans le langage biblique le terme gloire signifie ce qui donne du poids, de l’importance, de l’éclat. D’emblée dans le livre de la Genèse, Eve est qualifiée de mère des vivants » Gn 3, 20 puis sur la croix, le Christ institue Marie, mère de l’Eglise. En définitive, le plan de Dieu dépend aussi de la femme, qu’il s’agisse de la faute originelle ou de la Rédemption. [8]Péché originel la femme est-elle vraiment à l’origine du mal ? Tout vient de la première tentation de la femme par le démon qui lui souffle de se libérer. Il essaie de faire croire à la femme qu’elle est esclave de Dieu par cette obéissance demandée par lui. Cette tentation consiste à faire croire à la femme que son bonheur, n’est pas dans l’amour et l’obéissance à Dieu, qu’il n’est pas dans ce que Dieu a voulu pour elle, et il lui fait croire qu’elle est capable de connaître seule le bien et le mal. Après la chute, Dieu dit serpent Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et la sienne ; celle-ci te visera à la tête et tu la viseras au talon » Gn 3, 15. La femme se trouve donc en première ligne et non l’homme dans cette bataille. La femme reste aujourd’hui au cœur des luttes pour la famille, parce qu’elle est justement l’âme de la famille. Non parce qu’elle serait plus faible que l’homme mais parce qu’elle détient un pouvoir sur le destin de l’humanité par ses capacités de persuasion et de séduction, et parce qu’elle détient les clés de la fécondité, de la génération, du don et de la vie. [9]Dans la volonté de Dieu, la femme est vraiment celle qui est l’aide de l’homme. Il faut voir cela comme un rôle de complémentarité dans l’ordre de l’amour. Il s’agit pour elle d’éveiller l’homme à un véritable amour spirituel et de coopérer à la croissance de cet amour. La femme est donc source d’amour pour l’homme. Elle doit être celle qui doit éveiller à l’amour. Jo Croissant résume très bien cette vocation de la femme Elle doit toujours être aimante jusqu’à ce que l’amour soit réveillé dans le cœur de l’autre, c’est là sa vocation »[10]De nombreux grands hommes de l’histoire ont eu des mères exceptionnelles, et eux-mêmes ont eu pourtant des fils insignifiants. Comment expliquer cela ? Ces femmes ont exercé leurs talents non pour elles-mêmes mais pour les transmettre, contrairement à l’homme qui se livre souvent tout entier dans l’exercice de ses talents. La femme est celle qui porte l’amour, celle qui en est la source et celle qui le garde. Elle porte d’ailleurs une alliance toute particulière avec Dieu, qui est méprisée par le démon, dans le mystère de la fécondité qu’elle vit en elle et qu’elle porte en elle. Elle est unie au mystère de la création divine. [1] Malraux A, Entretien, Le point, 17 mars 1975 [2] Le Pivain D, La vocation féminine dans l’Eglise, Bulletin des amis de la Fraternité Saint Pierre, Janvier-Février 1997, n° 52 [3]Jean Paul II, Mulieris Dignitatem, 15 aout 1988 n°13 [4] Stein E, Les problèmes posés par l’éducation des jeunes filles, Conférences, p 337 [5] Stein E, La mission de la femme en tant que guide de la jeunesse sur le chemin de l’Eglise, Conférences p 388-389 [6] Ibid, p 389 [7] Perrachon A, Le féminisme, l’Eglise et les autres… , in Permanences n°156, Janvier 1959, pages 27-31 [8] Debray P, La femme dans le plan de Dieu, in Fiche d’éducation à la foi, supplément du courrier hebdomadaire, 1984, n°174 [9] Gillard-Chevallier P, Les principes de la vie chrétienne la vocation de la femme », in la Nef n°139 Juin 2003 [10] Croissant J, La femme sacerdotale, Ed des Béatitudes.
Dieufait tomber une torpeur sur l'être humain, et au réveil ils sont deux, sans savoir ce qui s'est passé. Par conséquent la création de l'homme et de la femme est simultanée. Et l'aide pour l'autre dont parle le texte est la vocation de tout être humain, et non seulement de la femme.
Dans les pages qui suivent, j’aborde les textes de la Bible en ayant constamment en tête mon ministère pastoral, et ce qu’il implique parfois l’accompagnement de couples en difficultés, de personnes divorcées, de personnes remariées. Mais aussi en m’attachant à une lecture la plus fidèle possible. Avant d’aller de l’avant il faut ajouter une précision. La Bible utilise en général le terme “répudiation” là où nous disons “divorce”. Même si l’inverse était considéré comme possible cf. Mc ; cf. 1 Co la répudiation c’était, le plus souvent, le renvoi de la femme par son mari, sans que celle-ci ait son mot à dire. Cela nous choque. Les droits de la femme étaient loin d’être ce qu’ils sont aujourd’hui. Et il est évident que le chrétien peut se réjouir des acquis des sociétés modernes sur ce plan. On doit se souvenir que les textes bibliques émanent d’une autre époque. Cela ne doit pas nous décourager d’y trouver la Parole de Dieu Parole divine donnée à une époque ancienne certes, mais Parole qu’il nous faut entendre et retranscrire pour notre époque. L’ANCIEN TESTAMENT PERMET-IL LE DIVORCE ? Que dit l’Ancien Testament sur le divorce ? Même si le chrétien se tourne prioritairement vers les textes du Nouveau Testament, il ne peut ignorer les passages plus anciens qui en constituent l’arrière-plan. Interdiction du divorce Deux textes de la loi interdisent explicitement la répudiation dans des circonstances particulières lorsqu’un homme accuse faussement sa femme d’avoir eu des relations sexuelles avant le mariage Dt ; lorsqu’un homme a épousé la jeune fille non-fiancée qu’il avait contrainte à des relations sexuelles Dt Un autre texte de l’Ancien Testament interdit explicitement le divorce Malachie On y trouve, au verset 16, la parole divine “Je hais la répudiation”. On peut lui donner le sens suivant. Après avoir critiqué la pratique du mariage mixte le prophète s’oppose à la répudiation v. 13-16. Pour justifier leur pratique du divorce, des hommes auraient invoqué l’exemple d’Abraham qui a répudié Hagar Gn 16 et 21. Le verset 15 y ferait allusion. Il faudrait le traduire “Pas un n’a fait cela avec un reste de bon sens. Et pourquoi l’un – Abraham l’a fait ? Parce qu’il cherchait une descendance de Dieu ! Gardez votre bon sens ! Ne trahissez pas la femme de votre jeunesse !” Selon cette hypothèse, le prophète chercherait à présenter la répudiation d’Hagar comme un cas unique lié à la nécessité de protéger Isaac, le descendant promis. C’est l’option de la traduction du Semeur. La difficulté avec cette interprétation, c’est qu’Hagar n’était pas la femme de la jeunesse d’Abraham. On peut comprendre l’allusion probable à Abraham d’une autre manière. Le prophète proposerait en exemple le fait qu’il n’a jamais répudié Sara – la femme de sa jeunesse – quand bien même elle ne lui donnait pas de descendance. Dans ce cas il faudrait traduire le verset 15 “Pas même ce cas unique – Abraham – n’a fait cela bien qu’il ne lui reste qu’un souffle. Et que représente ce cas unique qui cherchait une descendance de Dieu ?1. Gardez votre bon sens ! Que personne ne trahisse la femme de sa jeunesse !” Le prophète invoquerait l’exemple emblématique de l’ancêtre Abraham. À l’arrière-plan de ce verset il y aurait la pratique de la répudiation pour cause d’infécondité de la femme 2. La répudiation pour un tel motif était haïssable aux yeux du Seigneur. Possibilité du divorce ? Le texte de Deutéronome présente une loi casuistique, c'est-à-dire une loi formulée à partir de situations particulières. Toute la question est de savoir où, dans le texte, se trouve la loi, et à quel cas précis veut-elle répondre ? Selon la traduction de la Nouvelle Bible Segond on aurait deux disposi- tions législatives. La première, au verset 1, établirait l’obligation d’écrire une lettre de rupture en cas de répudiation. La seconde disposition se trouverait dans les versets 2-4 elle concernerait l’impossibilité, pour le mari qui a répudié sa femme, de la reprendre à lui si, dans l’intervalle, elle a été remariée à un autre homme. Selon cette traduction, ce texte proposerait donc deux lois une sur l’obligation de remettre une lettre de divorce en cas de répudiation et la seconde sur l’impossibilité d’un cas particulier de remariage. Mais la grande majorité des commentateurs actuels rejette cette façon de lire Deutéronome 24. La TOB ou La Bible du Semeur proposent une autre traduction dans laquelle les versets 1-3 constituent l’explicitation du cas particulier, et le verset 4 la loi en tant que telle Si un homme répudie sa femme en lui remettant une lettre de divorce, qu’elle quitte sa maison et se remarie à un autre homme, que ce second mari la répudie à nouveau selon la même procédure…… alors son premier mari ne pourra pas la reprendre pour épouse. Selon cette compréhension, il n’y a pas deux lois, mais une seule, qui concerne l’impossibilité d’un type particulier de remariage un homme ne peut pas reprendre celle qu’il a répudiée si elle a été remariée entre- temps. Si cette lecture est juste, et cela semble bien être le cas au regard de sa conformité au texte hébreu, ce texte ne donne aucune prescription sur le divorce, il ne légalise pas une forme de divorce. Il reconnaît simplement que la pratique de la répudiation existait lorsqu’un homme trouvait “quelque chose d’inconvenant” chez sa femme. En fait, comme le dit Christopher Wright, le divorce comme le mariage étaient encadrés par la juridiction familiale privée et non par les codes de lois civiles qu’on trouve dans les écrits bibliques 3. On peut s’étonner devant l’imprécision du motif de la répudiation “quelque chose d’inconvenant”. L’expression hébraïque erwât dabar pourrait littéralement se traduire la nudité des choses. Le terme erwâh est, presque toujours dans la Bible, un euphémisme pour désigner les parties sexuelles par exemple Lv L’expression semble donc avoir affaire avec une forme d’inconvenance sexuelle, sans qu’il soit possible d’être beaucoup plus précis. La loi sinaïtique ne prescrit donc pas le divorce. Tout au plus peut-on dire qu’elle reconnaît l’existence d’une pratique encadrée par la juridiction familiale. Toute la question pour nous est de savoir ce que vaut cette reconnaissance vaut-elle approbation ou non ? Il est difficile de répondre sur la base de ce seul texte. Toutefois, quand on sait que d’autres lois interdisent expressément la répudiation voir Dt on peut admettre que, en mentionnant la pratique sans l’interdire, cette loi lui reconnaît une certaine légitimité. Des divorces imposés Les livres d’Esdras 9-10 et de Néhémie racontent comment, après le retour de l’exil, des Judéens mariés à des femmes étrangères furent dans l’obligation de les répudier. Mais on peut considérer que l’on a affaire ici à une situation tout à fait exceptionnelle. Avec ces mariages, le schéma qui avait conduit à l’exil babylonien risquait de se reproduire cf. Esd ; Né ? C’est pour éviter de revivre le trauma- tisme de l’exil que ces mesures exceptionnelles furent prises. JÉSUS PERMET-IL LE DIVORCE ? L’Ancien Testament n’est pas très loquace sur le divorce. Il me semble que, plutôt que d’interdire le divorce, la démarche vétérotestamentaire consiste à en limiter la pratique afin d’éviter des situations trop injustes pour ses premières victimes les femmes. Ce point de vue se confirmera à la lecture du Nouveau Testament, à commencer par les passages des en Matthieu que, pour la première fois, on trouve le verbe répudier dans la bouche du Seigneur “Il a aussi été dit Quiconque répudie sa femme doit lui donner un certificat de rupture. Mais moi je vous dis que toute personne répudiant sa femme, excepté pour cause d’inconduite sexuelle, l’expose à être adultère et quiconque épouse une répudiée est adultère”. À y regarder de plus près, on se rend compte que la préoccupation essentielle de cette déclaration c’est de mettre en évidence deux situations d’adultère Celui qui répudie sa femme, sauf pour inconduite, l’expose à devenir adultère ; Celui qui épouse une répudiée sous entendu sauf celle qui a été répudiée pour inconduite ? est adultère. Nos deux versets s’inscrivent dans le contexte d’un enseignement sur l’adultère Matthieu Ce passage apparaît dans le fameux chapitre du sermon sur la montagne où Jésus donne son interprétation de certaines lois. Tous les passages sont introduits par la formule “Vous avez entendu qu’il a été dit… Mais moi je vous dis” En revanche l’introduction du est plus courte “il a aussi été dit…”. On peut donc en déduire que Jésus ne cherche pas à examiner une nouvelle loi mais plutôt qu’il prolonge sa réflexion sur l’adultère par l’évocation de cas concrets. Jésus ne se prononcerait donc pas ici sur le divorce en tant que tel, mais plutôt sur des situations liées au divorce risquant de conduire à l’ ne signifie pas que ce texte ne dit rien sur le divorce, mais, métho- dologiquement, ce n’est pas de lui qu’il faut commencer. Ce texte dit, directement, ce que Jésus pense de l’adultère, et indirectement seulement, un aspect de sa pensée sur le divorce. Ce texte doit être interprété à la lumière des autres textes où Jésus parle du // Marc racontent, avec quelques différences, le récit d’une conversation entre Jésus et des pharisiens. Ces derniers l’interpellent sur la question de la répudiation. On est donc en plein dans notre sujet. On admet en général que les pharisiens demandaient à Jésus de prendre position dans un débat qui agitait le judaïsme à cette époque. S’y opposaient deux écoles rivales correspondant à deux manières d’interpréter le texte de Deutéronome 24, particulièrement l’expression vague “Quelque chose d’inconvenant” Dt L’école libérale du rabbin Hillel donnait à cette expression un sens très large on pouvait répudier sa femme pour un motif aussi futile qu’un plat mal cuit 4. Quand les pharisiens, selon le texte de Matthieu, demandent s’il est permis à un homme de répudier sa femme “pour n’importe quel motif”, ils font directement allusion à cette école libérale. En face, il y avait l’école du rabbin Shammaï, beaucoup plus rigoriste, qui pensait que l’adultère était le seul motif valable de divorce. Jésus va-t-il prendre position dans ce débat ? Quelle est sa position à lui, le Seigneur ? Le mariage d’abord, la permission du divorce ensuite Remarquons que Jésus ne prend pas directement position. Selon le récit de Matthieu, il renvoie les pharisiens aux ordonnances créationnelles sur le mariage Mt Dans le récit de Marc, il répond par une question “Que vous a commandé Moïse ?” Le verbe “commander” est très fort. On a vu que, formellement, Deutéronome 24 n’est pas un commandement sur le divorce ; il est donc permis de penser qu’en utilisant un verbe aussi fort, Jésus espérait conduire les pharisiens vers d’autres commandements directement vers les ordonnances du mariage dans les récits de création ou peut-être vers les commandements de Moïse interdisant explicitement le divorce et ainsi, par ricochet, vers les ordonnances créationnelles. Il est certain en tout cas, selon le récit de Matthieu, que c’est bien au mariage que Jésus a pensé en premier. On peut donc penser que c’est vers le mariage, et tout le sérieux qu’il faut attacher aux ordonnances divines, qu’il espérait aussi orienter les pharisiens selon le récit de première réaction de Jésus est déjà pleine d’enseignement. Alors que la tendance actuelle en cas de difficulté conjugale conduit à penser d’abord “divorce”, l’attitude de Jésus est, pour le chrétien et a fortiori pour le pasteur et la démarche pastorale, un rappel important elle invite à penser d’abord “mariage”. C’est lui qu’il faut valoriser, c’est lui qu’il faut tenter de sauver. Et ceci en vertu de l’ordonnance créationnelle qui prime sur la permission conduit à une seconde remarque. Selon le récit de Marc, les phari- siens ont bien perçu la subtilité introduite par Jésus avec le verbe “commander”. Certes ils ne vont pas le suivre mais ils vont recentrer le débat sur la répudiation en évoquant la permission mosaïque – et non le commandement – de Deutéronome On retrouve, dans le récit matthéen, le même glissement du verbe commander vers le verbe permettre, à cette différence près que ce sont les pharisiens qui utilisent le premier et Jésus le second Mt Quoi qu’il en soit de cette différence, le glissement est là, et il est important. Il était au cœur de la conversation entre Jésus et les récit rappelle clairement que la Torah ne contient pas de commandement sur le divorce, mais seulement une permission, à cause de la dureté du cœur humain. Une permission est moins qu’un commandement, mais c’est plus qu’une simple tolérance. En permettant, le Seigneur accorde, il valide la possibilité du divorce. Si la parole du Seigneur invite à tout faire pour tenter de sauver un mariage en difficulté, elle admet aussi l’existence de cas limites, de cas où le Seigneur lui-même valide la possibilité de la séparation. Une telle permission, validée par le Seigneur, doit être prise comme une porte ouverte, une vraie possibilité offerte pour se reconstruire en dehors du cadre destructeur d’un mariage devenu toxique. Toute la question est de savoir à quelle situation s’applique cette permission. Le sens de la clause d’exception Ceci nous conduit à examiner la fameuse clause d’exception de cf déjà Mt “Je vous dis que quiconque renvoie sa femme, sauf pour inconduite sexuelle pornéia, et en épouse une autre est adultère”. Ici se cristallise le débat. À la différence près de la clause d’exception et de l’expression “envers elle”, la phrase est strictement identique en Marc En Luc en dépit de termes différents, le sens est le même. Matthieu est donc le seul à contenir cette clause dite d’exception. Nous ne croyons pas qu’il s’agit d’un ajout matthéen5.Que désigne exactement le mot pornéia ? Dans les textes bibliques ce mot a plusieurs sens Prostitution. C’est le sens premier. Le terme grec pour désigner la prostituée est porné. Voir Matthieu ; Luc ; 1 Corinthiens C’est aussi dans ce sens qu’il est utilisé métaphoriquement Ap ; La racine désigne le fait de se prostituer la prostituée est appelée la porné , mais aussi le fait de s’unir à une prostituée. Relations sexuelles incestueuses. Le terme désigne quelquefois des unions interdites par la loi juive en raison d’un degré de consanguinité trop étroit Lv C’est le sens en 1 Corinthiens Peut-être aussi en Actes et S’il fallait donner ce sens restreint au terme dans la clause d’exception, Jésus affirmerait que certaines unions devraient être considérées comme non valides aux yeux de Dieu en raison d’un degré trop étroit de consanguinité. La clause ne serait donc pas une permission de divorce mais plutôt la reconnaissance de l’invalidité de certaines unions conjugales aux yeux de Dieu. Cela rejoint le point de vue catholique qui refuse le divorce mais reconnaît qu’il existe des cas de nullité de mariage. Ce ne sont pas des annulations mais des déclarations de nullité. Un mariage est déclaré nul et non avenu parce qu’il n’a pas respecté certaines règles constitutives d’un mariage valide. La difficulté avec cette interprétation, c’est qu’elle donne un sens peu courant au mot pornéia. En 1 Corinthiens le contexte impose ce sens. Mais rien dans notre contexte ne l’impose. Ce n’est pas parce que le terme a ce sens dans un passage du Nouveau Testament qu’il faut l’imposer ailleurs. Surtout lorsque ce n’est pas le sens le plus courant. Adultère. Là encore ce n’est pas un sens courant. On le trouve dans la LXX, en Nombres ou en Jérémie Mais le grec a un autre mot plus spécifique pour désigner l’adultère moicheia. Ce mot spécifique apparaît d’ailleurs dans le contexte de la clause d’exception Mt et ce qui conduit à penser que les deux termes ont ici un sens différent. Jésus ne dirait donc pas que l’adultère est le seul motif légitime de divorce. Il se distancierait ainsi de la position de Shammaï. Inconduite sexuelle. Dans plusieurs passages le mot a un sens moins clairement défini Mc ; 1 Co ; Il évoque toute forme d’inconduite sexuelle l’adultère ou la prostitution, bien sûr, mais pas uniquement. Plus largement, tout comportement qui ne correspond pas à un usage de la sexualité conforme à la volonté divine. Dans la pensée de Dieu, la sexua- lité est un geste d’amour accompli dans le cadre du mariage ; elle suppose la fidélité et le respect du conjoint. Tout ce qui sort de ce cadre peut être qualifié de pornéia. Ainsi, en Deutéronome les relations sexuelles avant le mariage sont désignées, dans la Septante, avec le verbe porneuô. Mais bien d’autres attitudes pourraient être concernées harcèlement sexuel, exhi- bitionnisme… On pourrait aussi penser à des situations plus actuelles comme l’habitude de fréquenter, sur Internet, des tchats pornographiques… N’ayant aucune indication dans notre contexte pour donner un sens spécifique au terme, c’est ce sens plus général qu’il faut conserver. Jésus dirait que toute forme de sexualité ne correspondant pas à la volonté de Dieu pourrait être une cause légitime de compréhension de la clause d’exception nous conduit à faire la remarque suivante comme en Deutéronome le contenu n’est pas fixé avec précision. Jésus n’utilise pas le mot moicheia et donc ne limite pas la possibilité du divorce à l’adultère. Certes Jésus n’ouvre pas la permission du divorce aussi largement que le faisait Hillel. La raison est évidente. Pour lui le mariage est une institution divine et en aucun cas il ne voulait en relativiser l’importance. En cas de difficulté, il faut tout faire pour le sauver “Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni”. Jésus ne cherche pas non plus à banaliser le divorce. La formulation de la phrase qui contient la clause le démontre ; en toute rigueur Jésus ne permet pas le divorce, il l’interdit, sauf dans certains cas… Il fait preuve de la plus grande prudence car un divorce infondé fait courir le risque du péché d’adultère. Mais le fait de ne pas énoncer avec précision les motifs permettant le divorce est significatif. Pour Jésus il ne s’agissait pas, comme le faisait Shammaï, de définir de façon précise les conditions de possibilité d’un divorce. Jésus n’a pas une approche légaliste. Il ouvre une autre démarche ne pas trop préciser, afin de maintenir une porte ouverte lorsque le mariage, trop profondément atteint, affecte gravement et blesse irrémédiablement l’un au moins des conjoints. Garder une porte ouverte sans toutefois céder à la banalisation. Telle est la ligne de crête, étroite mais nécessaire, pour refuser tout laxisme, mais aussi pour maintenir la possibilité d’un nouveau départ en cas d’échec avéré du mariage. L’approche de Jésus n’est ni légaliste, ni libérale. C’est une approche pastorale, qui privilégie la compassion sans tomber dans le laxisme. L’APÔTRE PAUL PERMET-IL LE DIVORCE ? C’est dans 1 Corinthiens que l’on trouve les paroles principales de l’apôtre concernant le divorce et le remariage. De prime abord, lorsqu’on lit ces versets, particulièrement les versets 10-11, on pourrait se dire que la cause est entendue. L’apôtre serait opposé au divorce “Que la femme ne se sépare pas de son mari… et que le mari n’aban- donne pas sa femme” ; le mariage serait indissoluble, de la manière la plus absolue, tant que l’un des conjoints est vivant ; seule la mort est susceptible de libérer de ce lien cf. Rm et 1 Co compréhension des textes de Paul est encore assez répandue, notamment chez un grand spécialiste évangélique Gordon Fee 7. Mais, si on l’adopte, on doit se demander Comment l’apôtre a-t-il reçu la clause d’exception formulée par Jésus ? Ne la connaissait-il pas, lui qui prétend parler au nom du Seigneur ? Et surtout ne se contre-dirait-il pas avec ce qu’il dit un peu plus loin ? En effet, ne laisse-t-il pas entendre, au verset 15, que le mari et la femme peuvent être libérés du lien du mariage alors que les deux sont toujours vivants ? Rappel du contexte Pour comprendre ces versets, on ne peut pas faire l’impasse sur le contexte. Dès le début du chapitre l’apôtre répond à des questions concernant le mariage8. Pour comprendre ces réponses, il est important de chercher à saisir les questions à l’arrière-plan et leur reconstitution de la situation de l’Église de Corinthe fait l’objet d’un large consensus 9. Des membres de l’Église étaient fortement influencés par les premières manifestations d’une philosophie étrangère à la Bible, connue au IIème siècle sous le nom de gnosticisme. Certes, à l’époque où Paul écrit le gnosticisme n’est pas encore connu comme tel. Mais les prémices de cette façon de penser se font déjà sentir. On a aussi appelé ces courants “spiritualistes” à cause de l’accent mis sur l’esprit au détriment du corps seul compterait l’esprit ; les réalités corporelles seraient indifférentes, voire nuisibles à l’esprit. D’une telle conception naissait deux attitudes opposées celle qui affirmait que l’on peut faire ce que l’on veut de son corps, que cela n’a aucune incidence sur l’esprit ; et celle qui affirmait que l’on doit brider toutes les réalités corporelles pour sele judaïsme contemporain de Jésus, le divorce impliquait le droit au remariage. En effet le talmud indique que la lettre de divorce comportait la formule “Tu es libre de te remarier”14. Des documents juridiques de la colonie juive d’Éléphantine, en Égypte, allaient dans le même sens 15. Les pharisiens qui venaient à Jésus avaient en tête le texte de Deutéronome 24 et aussi la pratique courante telle qu’elle est reflétée dans ces documents du judaïsme. Pour eux, répudiation et droit au remariage allaient de pair. Si Jésus avait voulu s’opposer à cette conception courante, il aurait normalement dû le signifier. Certains, à la suite de Jérôme au IVème siècle, ont affirmé que la clause d’exception doit s’appliquer à la première partie de la phrase seulement mais pas à la deuxième. Ainsi Jésus admettrait, dans certains cas, la possibilité de séparation, mais en aucun cas il ne permettrait le remariage. En d’autre terme il aurait voulu dire “Quiconque répudie sa femme, sauf en cas d’inconduite sexuelle, commet un adultère et quiconque se remarie, dans tous les cas, commet un adultère”. Mais cette interprétation soulève des difficultés. Elle impliquerait que la répudiation, même sans remariage, serait un adultère. Or dans la pensée biblique, l’adultère suppose une relation sexuelle. Sauf à redéfinir le sens de ce mot, on ne voit pas très bien comment le simple fait de se séparer de son conjoint serait un adultère. De plus, si Jésus avait évoqué ici deux situations différentes, il aurait été logique que l’annonce du résultat de ces deux situations soit au pluriel “Celui répudie sa femme, sauf en cas de pornéia, et celui qui se remarie sont adultères”. Ou bien alors, comme en Matthieu il aurait dû répéter à chaque fois le résultat “Celui qui répudie sa femme – sauf en cas de pornéia – commet l’adultère et celui qui se remarie commet l’adultère”16. La manière la plus logique de lire cette phrase, c’est donc de considérer que Jésus n’évoque ici qu’une seule situation celle d’un homme qui répudie sa femme puis se remarie. C’était en effet la situation courante. Jésus ne l’interdit pas, mais, sollicité sur la question du divorce, sa réponse se déplace vers le remariage. Il dit “attention, si on divorce pour un motif futile, on commet l’adultère en se remariant !” La parole de Jésus “Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni” est souvent invoquée pour affirmer que la répudiation dont parle la Bible ne rompt pas le lien conjugal. En effet les hommes ne seraient pas capables de défaire ce que Dieu a fait. Mais H. Blocher fait remarquer que Jésus n’a pas dit “L’homme ne peut pas séparer ce que Dieu a uni” mais “Que l’homme ne sépare pas…”17. C’est très différent. On pourrait même pous- ser plus loin la parole de Jésus et dire que l’homme, en fait, peut séparer ce que Dieu a uni, mais, en principe, il ne doit pas le faire. Paul Sorti de son contexte, 1 Corinthiens pourrait apparaître comme uneinterdiction absolue “Si elle s’est séparée, qu’elle demeure sans se remarier”. Mais on a vu que cette parole s’adressait spécifiquement au conjoint qui a pris l’initiative de la séparation pour le seul motif ascétique. Paul reconnaît que cette personne est non-mariée, mais elle n’a pas le droit de se remarier. On dira pourquoi tout à l’heure. De plus on a vu que Paul permettait, lui aussi, une possibilité de séparation. Admettait-il alors la possibilité du remariage dans ce cas précis ? Il ne le dit pas clairement. Cependant les termes forts qu’il utilise conduisent à le penser si les conjoints séparés sont agamoï donc dans une situation similaire à celle du célibataire et si au moins celui qui subit la sépara- tion n’est pas lié donc dans une situation similaire à celle des veufs on a toutes les raisons de croire qu’il pouvait se remarier. On peut même penser qu’en interdisant explicitement le remariage dans une situation, cela implique qu’il le permettait implicitement dans l’autre situation. Mais pourquoi l’interdire dans un cas et pas dans l’autre ? N’est-ce pas faire deux poids deux mesures ? Non. Il faut bien réaliser que dans les deux cas la situation est très différente. Le verset 11 s’adresse à une personne qui a choisi de se séparer pour une raison qui ne constitue pas une atteinte directe au lien du mariage. Son désir d’ascétisme est un motif purement personnel qui ne met pas en cause l’attitude du conjoint. Il est donc logique dans ce cas, si cette personne ne souhaite pas reve- nir vers son conjoint, qu’elle demeure non mariée, puisque tel est son choix. Au verset 15 la situation est toute différente. Le conjoint chrétien n’a pas décidé lui-même de se séparer. Il est obligé d’accepter la situation que les circonstances lui imposent, un peu comme les veufs et veuves. L’attitude du conjoint déserteur atteint en profondeur la relation du mariage, elle la rend impossible. Le conjoint abandonné doit donc être considéré comme délié de ses engagements antérieurs. Il est donc logique qu’il ait le droit de se remarier. Nous avons donc aux versets 11 et 15 deux situations bien distinctes dans un cas un divorce choisi sans motif valable mais un divorce tout de même ! ; dans l’autre un divorceimposé rendant impossible la poursuite de la relation conjugale. Dans un cas le remariage n’est pas possible, dans l’autre, il l’est. DEUX CLAUSES D’EXCEPTION OU DEUX EXEMPLES DE CLAUSES D’EXCEPTION ? La Bible mentionne expressément deux motifs de divorce l’inconduite sexuelle et la désertion du conjoint non-chrétien. Faut-il considérer que ce sont les deux seules raisons possibles ?Qu’en est-il, par exemple, lorsque c’est un conjoint chrétien qui est coupable de désertion ? Certes, l’approche pastorale conduira à le rencontrer et à œuvrer dans le sens d’une réconciliation. Mais s’il ne veut rien entendre ? Comment accompagner le conjoint déserté ? Faut-il le considérer comme délié ? Faut-il considérer le déserteur comme un païen au motif qu’il refuse d’écouter l’Église selon la suggestion du Seigneur lui-même ; cf. Mt ? Et qu’en est-il d’autres situations commela violence, l’alcool… ? Ou encore de situations infiniment plus compliquées, lorsque les torts sont difficiles à établir, que la relation s’est dégradée au cours des années et que le mépris a pris la place de l’amour ? Doit-on considérer qu’il n’y a là aucun motif valable de divorce ?Toute la question est de savoir si la Bible présente une liste exhaustive de clauses d’exception ou bien s’il s’agit plutôt d’“exceptions type” dont la liste ne serait pas exhaustive ? Je voudrais plaider pour cette deuxième notons que les motifs invoqués pour permettre le divorce restent relativement imprécis. C’est particulièrement vrai dans Deutéronome 24. Ça le reste dans la bouche de Jésus. On peut noter aussi que l’apôtre Paul ne précise pas le motif qui pousse le conjoint non-chrétien à se séparer cf. 1 Co Cette attitude qui consiste à ne pas trop préciser les choses – contrairement à ce que faisait Shammaï par exemple – me paraît significative. C’est une attitude qui tend vers l’ouverture plutôt que vers la fermeture. Cela traduit le désir de prendre en compte chaque cas individuellement plutôt que d’établir des normes précises qu’il faudrait appliquer froidement sans tenir compte des situations. Cette manière de faire ouvre la possibilité d’une certaine liberté pour permettre un accompagnement pastoral adapté et évite les pièges du légalisme. Jésus ne recommande pas le libéralisme de Hillel, loin s’en faut, mais il ne fait pas non plus l’éloge du rigorisme de Shammaï. S’il est ferme dans son appui du maiage, il est aussi humain envers la souffrance d’autrui. En cela on peut penser qu’il a modelé l’attitude de Paul qui s’est senti la liberté, en considérant la souffrance des conjoints désertés, de permettre la reconnaissance d’un nouveau cas de nous devons prendre en compte la nature des textes bibliques étudiés. Aucun d’eux ne constitue un exposé à part entière sur le thème du divorce. Tous sont des réactions à des situations existantes une loi casuistique dans un cas, la réponse à une question posée sur la possi- bilité d’un divorce pour n’importe quel motif dans un autre cas, la prisede position par rapport à des situations engendrées par la confrontation à des philosophies et des attitudes émanant du monde païen dans un dernier cas. Pas d’exposé théorique, mais des réactions. C’est la raison pour laquelle Paul ne fait aucune mention de la clause d’exception du Seigneur. Pour lui ce n’était pas le sujet. La prise en compte de cette réalité oblige à penser qu’on ne trouve dans aucun texte un exposé exhaustif sur la question du divorce. À chaque fois nous trouvons plutôt un effort de contextualisation. À chaque fois il s’agit de faire tenir ensemble plusieurs paramètres la pensée de Dieu sur le mariage, la pensée humaine fortement entachée de péché, mais aussi la souffrance que les crises du mariage ne manquent pas d’engendrer. Or, il se trouve que si la pensée de Dieu sur le mariage ne change pas, la réalité du péché et les causes de souffrances sont, elles, multiformes. Et cela oblige à refaire constamment le travail de contextualisation. L’apôtre Paul a pour nous une attitude exemplaire. Il ne campe pas sur la clause d’exception du Seigneur, mais il adopte la même attitude que lui il tient compte de la pensée divine sur le mariage “qu’on ne se sépare pas” mais aussi de la réalité du péché et des souffrances qu’elle engendre “si elle est séparée”, “si le non-croyant se sépare”. C’est cette œuvre de contextualisation que l’approche pastorale, confrontée à une grande diversité de situations, doit constamment nombreux hommes de Dieu, dans des situations très diverses, ont déjà plaidé pour la poursuite de cet effort de contextualisation. Luther a pensé que le refus par un conjoint des relations sexuelles rendait possible le divorce ; Mélanchton le pensait des mauvais traitements ; Bucer allait jusqu’à proposer l’incompatibilité d’humeur ; plus récemment Dabney invoque un mari qui contraindrait sa femme à avorter ou une femme qui avorterait à l’insu de son mari ou encore un mari qui bat sa femme ou ses enfants de manière habituelle ; R. Beckwith évoque la cruauté perverse, le refus du mari de pourvoir aux besoins de sa femme ou de ses enfants, et même l’opposition délibérée aux décisions raison- nables du mari sur des points importants18.Henri Blocher pose la question “Puisque l’apôtre, inspiré, a eu l’auda- ce d’étendre à la désertion ce que Jésus n’avait dit que de la fornication, pouvons-nous comme lui allonger la liste, l’étendre à d’autres fautes graves ?”19 R. Somerville est disposé à aller dans ce sens, “à condition de ne pas nous placer dans une perspective purement juridique ce qui reviendrait à dire, dans telle ou telle situation, le divorce est autorisé, mais plutôt dans une perspective pastorale ne sommes-nous pas dans une situation où l’interdiction de divorcer deviendrait un esclavage, alors que le mariage est, de fait, brisé ?”20.Il est évident qu’une telle démarche nécessite de la prudence. En aucun cas, elle ne doit ouvrir la porte au laxisme. Le soutien franc et massif de la Parole de Dieu au mariage doit demeurer une ligne directrice ferme. Ce soutien franc doit empêcher de livrer le lien du mariage à des motifs de ruptures futiles. Nos textes refusent explicitement le remariage lorsque le motif de la séparation ne constitue pas une atteinte directe au cœur du mariage et aux engagements qui le fondent ainsi de la séparation pour un motif purement personnel, égoïste 21. Mais on a aussi admis que lorsque le motif de la séparation constituait une atteinte directe au cœur un mariage et aux engagements qui le fondent, par exemple le refus de fidélité ou de vie commune, alors le remariage devenait possible, et donc le divorce légitime. De tels éléments peuvent guider dans le discernement et l’accompagnement pastoral.
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la femme est la seconde faute de dieu